Le pastis d'Aiguèze

Publié le 14 Février 2019

Le pastis d'Aiguèze

Surplombant les gorges de l’Ardèche et le regard tourné vers les vignobles des Côtes-du-Rhône, Aiguèze, labellisé « plus beau village de France », charme ses visiteurs avec les ruines de son château, ses ruelles pavées, ses belles demeures, le portail Renaissance de son église, son chemin de ronde, sa riche et très ancienne histoire, et sa placette ombragée de platanes.

Et parmi les curiosités du village c’est sur cette placette justement qu’on remarque une plaque à la mémoire d’Honoré Agrefoul sur laquelle on peut lire : dans cette maison a vécu de 1706 à 1776 Honoré Agrefoul, distillateur, inventeur de l’absinthe plus connue de nos jours sous le nom de pastis. Sous la plaque la tête sculptée d’Honoré nous démontrerait, si c’était nécessaire, les ravages de l’abus de pastis sur les traits virils d’un honorable personnage.

Puis, quand comme moi on est un pur méditerranéen, on se dit que le pastis il semble bien que ce soit Paul Ricard qui l’ai inventé en 1932, et que absinthe et pastis soient deux alcools différents. Mais alors cet Agrefoul ?

Eh bien, merci Internet, notre Agrefoul il sort de l’imagination débridée d’un arlésien grand amateur de plaisanteries en tout genres. Il s’appelle Michel Bertet, il est boulanger de son état et voici ce qu’il dit de son histoire d’absinthe : « Je suis à l'origine, depuis une quinzaine d'années, de plusieurs gags et farces diverses, suivi par quelques amis humoristes pour les mises en scène. Pour l'histoire d'Agrefoul, le nom m'est venu comme ça, sans recherche spéciale, mais j'ai trouvé que le agr faisait bien terrien -agraire, agriculture-. Ce n'est pas non plus en pensant spécialement à la Fée verte que j'ai fait cela. Je me suis rendu compte après de l'erreur commise, car l'absinthe et le pastis n'ont rien à voir. Nous avons inauguré la plaque en 1985, un lundi de Pentecôte, à onze heures. Nous sommes arrivés avec une Citroën traction avant; j'étais assis à l'arrière déguisé en Mitterrand, avec un masque, petits drapeaux sur les ailes, numéros de l'Elysée sur les plaques, dépôt d'une gerbe, discours en imitant le Président, mains serrées. J'ai reçu un bouquet de fleurs, même une pancarte revendicatrice: Mitterrand, pas de discours, des sous!… Pour la petite histoire, un monsieur très âgé avait vu une affiche sur laquelle était inscrit que "Monsieur le Président de la République viendrait inaugurer une plaque destinée à un bienfaiteur de l'humanité", et il nous a fallu user de beaucoup d'arguments pour le dissuader de venir. Je dois vous dire que pour faire plus vrai, les gendarmes étaient là ! Le hasard, à cette époque, a voulu que je sois un copain du chef de brigade de Pont-Saint-Esprit, et il m'a dit: Je t'enverrai une 4L avec deux gendarmes, un de deux mètres et l'autre d'un mètre soixante-cinq. C'était marrant. Ils étaient quand même assez éloignés de la plaque pendant la cérémonie, vu que ce n'était pas officiel, mais par contre ils étaient présents pour boire le pastis. ».

Mais Agrefoul n’est pas le seul canular d’Aiguèze. Il y a aussi dans le village comme en témoigne la plaque sur la façade de sa maison, Andris Nali, un célèbre professeur d’expansiologie, diplômé de Harvard svp, et qui, inutile de vous précipiter, ne reçoit que sur rendez-vous.

Il y a eu aussi une troisième plaque, retirée par la mairie car prise au sérieux par de trop nombreuses gens. Elle indiquait le niveau atteint par une crue historique de l’Ardèche. Niveau tellement haut que le Gard, mais aussi l’Ardèche, la Drôme, le Vaucluse, auraient été entièrement sous l’eau.

Voilà de quoi pimenter une visite d’Aiguèze, qui n’est finalement pas la patrie du pastis, mais qui pourrait devenir la capitale de la galéjade.

Rédigé par Jacky SERODY

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