Le Quatre Jambes de Nîmes

Publié le 3 Octobre 2018

Il y a vraiment des œuvres d’art bizarroïdes à Nîmes. Par exemple à l’angle de la rue de l’Aspic et du Palais de Justice, la statue d’un homme à quatre jambes. Il est là, encastré dans un mur, et semble regarder les arènes.

Cette statue, qui remonte vraisemblablement à l’antiquité gallo-romaine, a été insérée dans le mur lors de la construction de la maison qui a appartenu autrefois à Massip, avocat du Roi.

Poldo d’Albenas, un antiquaire et érudit nîmois du XVIème siècle, voyait dans cette statue une représentation de Géryon. Ce Géryon on le retrouve dans le dixième des douze travaux d’Hercule. Il s’agissait pour notre héros d’aller capturer les 1000 bœufs dont le monstre Géryon a la garde. Et c’est bien d’un véritable monstre qu’il s’agit. Fils du titan Okéanos il vit loin à l’ouest du pays qui a vu naître la légende, en Espagne disent certains. C’est l’être le plus fort du monde, et il est né avec trois têtes, six bras, et trois corps unis à la taille. Il vit seul entouré de mille bœufs roux, et pour garder cet immense troupeau il possède Orthros, un chien à deux têtes, et Eurythion, un dragon à sept têtes.

Poldo d’Albenas s’est un peu fourvoyé en allant chercher dans la mythologie hellène l’origine de notre Quatre Jambes. Il s’agit plus prosaïquement d’un méchant assemblage d'au moins trois parties de statues qui n’ont aucun lien entre elles. La tête est une tête d’homme chevelue et barbue, peut-être Neptune, le corps est une base de colonne qui surmonte quatre jambes de femmes, probablement les restes d’une statue cariatide qui devait soutenir un édifice suffisamment lourd pour qu’on double la statue. Il est par ailleurs certain que ces trois éléments proviennent de monuments différents et même d’époques différentes.

Ce réemploi « artistique » pour décorer maisons ou immeubles avec des des ruines antiques n’est pas si rare. Nous connaissons une statue-menhir vieille de plus de 3000 ans qui avait été encastrée dans le mur d’une maison à Montagnac, une aussi de même facture à St Théodorit. On peut aussi trouver une pierre tombale gallo-romaine à La Calmette, une autre à Connaux. A Nîmes même, et tout près des Quatre Jambes, est inséré à hauteur d’homme dans la rue de la Violette un bas-relief d’aigle. On trouve également la statue d’un homme couvert d’un bonnet et vêtu d’une tunique courte dans la rue Régale, voire dans la rue Bachalas une plaque ornée de caractères gothiques qu’un maçon a trouvé fort jolie, et qui en réalité est une plaque mortuaire qui loue les mérites d’un certain Gui Cotin, garde des archives du Roi, mort en 1420 ! Tous ces ces réemplois, véritables musées à ciel ouvert, mériteraient bien qu’on leur consacre une journée du patrimoine.

Aigle de la rue de la Violette
Statue-menhir de Montagnac
Homme rue Régale

 

Rédigé par Jacky SERODY

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