Les ermites de Rogues

Le Saint-Guiral

St Guiral est le nom d’un petit sommet granitique des communes d’Alzon et de Dourbies, qui culmine à 1366 mètres d’altitude. Chaque année pour Pentecôte un pèlerinage est organisé, une messe célébrée et pour les vêpres on bénit un bouquet de renoncules, qu’on appelle aussi « pieds de corbeaux », fleurs sensées protéger les troupeaux des maladies.

Mais la magie de St Guiral c’est surtout sa légende des trois ermites.

Pendant les croisades, trois frères de la famille des Roquefeuil-Anduze, Guiral, Alban et Loup sont amoureux sans le savoir de la même jeune fille, Irène de Rogues. La belle, ne sachant lequel choisir, les fait venir en son château et leur propose de s’affronter en tournoi pour se départager. Nos trois prétendants, unis par leur amour fraternel, refusent de se battre entre eux, et offrent à leur dame de cœur de partir en croisade en Terre Sainte, et de laisser Dieu décider de leur destin.

Les années passent.

"Trois petits princes sortant du Paradis

Pomme reinette, pomme, pomme d'api

Un, deux, trois,

Dites Sainte Vierge, lequel vient pour moi ? "

"Trois petits princes sortant du paradis

A la guerre lointaine s'en sont partis"

Dire les combats et le courage de nos preux chevaliers serait superflu, comme il serait trop triste de parler du chagrin d’Irène de Rogues. Les nouvelles venues de Terre Sainte ne sont guère bonnes et certains croit les trois frères morts devant Jérusalem.

"Trois petits princes dans le ciel gris

s'en sont retournés au Paradis".

Lasse d’attendre, persuadée que ses amours ne reviendront jamais, écrasée de douleur, Irène s’éteint le jour de la Pentecôte.

Les trois frères, revenus vivants de leur croisade, arrivent trop tard et ne peuvent assister qu’à la mise en terre de leur amour.

Incapables de revenir à leur vie ancienne, en signe de deuil, les frères décident de revêtir la robe des moines et de se retirer en ermite chacun sur un sommet environnant. Ce seront le pic St Loup au nord de Montpellier, le Mont St Alban près de Nant en Aveyron, et le St Guiral. Chaque année, le lundi de pentecôte, ils allument un feu pour commémorer la mort de leur belle. Pendant des années les gens du pays virent s’allumer les brasiers sur les sommets des trois montagnes. Puis ils s’éteignirent finalement l’un après l’autre, le dernier à briller étant celui de St Guiral.

C’est depuis cette époque que les paroissiens de la région se rendent chaque année en pèlerinage au St Guiral et se recueillent sur le tombeau du saint (en réalité un dolmen!).

Ce n’est bien entendu qu’une légende et les sommets varient selon l’endroit où le conteur habite. Et cette légende était tout à l’honneur de la famille Roquefeuil, qui n’hésitait pas à travestir la vérité historique pour leurs avantages personnels. Pour autant cette histoire a des racines bien réelles. En effet trois membres de la famille Roquefeuil-Anduze, deux frères et le fils de l’un d’eux, en 1161, 1164 et 1165, abandonnent successivement leurs vie laïque pour entrer dans les ordres à l’abbaye de Bonneval près d’Espalion. Et cette famille tenait à l’époque tous les villages où se raconte la légende des trois ermites.