Vroum-vroum la duchesse d'Uzès

Publié le 20 Octobre 2018

Marie Adrienne Anne Victorienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart (mais oui!), n’est duchesse d’Uzès que de par son mariage avec le duc de Crussols. Elle est née à Paris en 1847, morte en 1933, et n’a probablement guère mis les pieds dans la cité ducale. Arrière-petite-fille de la « veuve Clicquot », veuve du duc d’Uzès avec quatre enfants et à l’âge de 31 ans, la duchesse est à l’abri du besoin. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire, peindre et sculpter. Sous le pseudo de Manuéla, elle est d’ailleurs une sculptrice reconnue. Elle est la créatrice d’une statue de St Hubert qu’on peut toujours voir au Sacré-Cœur de Paris.

Naître riche dans une des plus vieilles familles du pays, épouser le duc d’Uzès premier duc et pair de France, élever seule ses quatre enfants, réaliser de nombreux travaux d’artiste, aurait suffi à de nombreuses jeunes femmes de l’époque. Pas à la duchesse. Passionnée de chasse à courre, elle possède son propre équipage, monte à cheval jusqu'à plus de 80 ans, et reçoit le tout-Paris avec faste dans ses nombreuses propriétés. Pionnière du féminisme elle milite ardemment pour l’indépendance morale et financière des femmes. Et comme nul n’est parfait elle s’engage aussi à fond derrière le Général Boulanger, en espérant qu’une fois au pouvoir il rétablira la royauté en France.

Mais c’est surtout en pionnière de l’automobilisme féminin qu’elle s’est fait connaître. On lui attribue le passage du premier permis de conduire féminin le 12 mai 1898.

La presse annonce : « Mme la duchesse d’Uzès a passé hier son examen de conductrice automobile … coiffée d’un petit chapeau de feutre noir qu’elle portait incliné sur l’oreille, elle tenait en main la barre de direction, qu’elle manœuvrait très savamment ».

Delahaye type 1

L’Automobile-Club de France n’acceptant pas les femmes, elle crée une section féminine en 1926 qu’elle présidera jusqu’à sa mort. C’est enfin elle qui écopera du premier PV pour excès de vitesse. Au volant d’une Delahaye type 1 elle est contrôlée au bois de Boulogne à 15 km/h au lieu des 12 maximum autorisés. Elle sera condamnée à une amende de 5 francs. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à adorer la conduite automobile et la vitesse.

« Je m'étonne de voir, dit-elle fort obligeamment, tout le bruit qu'on a fait autour de cette chose pourtant si simple en soi. […] Les impressions que j'ai ressenties, me demandez-vous, elles ont été délicieuses. C'était d'abord d'aller à l'allure qui me plaisait, de dépasser vite, vite, les autres voitures, assez adroitement pour ne pas les accrocher [...]. ».

A ceux qui s’étonnent d’une aussi faible vitesse autorisée, 30 km/h sur route, 12 km/h en ville, rappelons qu’à l’époque les automobilistes étaient surnommés « tueurs de poules », et que beaucoup de français voulaient interdire ce nouveau moyen de déplacement. C’est drôle mais les anti-auto d'antan me font penser aux anti-mariage pour tous, anti-IVG, anti-vaccins, anti-Linky et autres antis d'aujourd’hui. Probablement est-ce une manifestation de de mon mauvais esprit.

Revenons à la duchesse d’Uzès. Cette forte femme avait certes bien des qualités, le courage, le modernisme, l’émancipation, et d’autres encore. Mais chaque médaille a son revers. La duchesse aurait souhaité que ses enfants marchent dans ses traces et elle décide en 1891 d’organiser pour son fils aîné une expédition en Afrique pour le sortir de « la vie dispendieuse de la capitale et lui faire faire quelque chose de grandiose ». Depuis Brazzaville l’équipage devait délivrer Khartoum occupé par les madhistes et rejoindre l’Abyssinie. Partis de Marseille en avril 1892, ils atteignent Brazzaville en juillet. Le duc, qui n’a que 24 ans, est incapable d’imposer son autorité à ses compagnons. Il abandonne le commandement, l’expédition change de but et va se battre en Oubangui contre les boubous. Plus habitué aux culottes de soie qu’au climat africain, fiévreux, il est évacué vers Brazzaville et meurt de la dysenterie en juin de l’année suivante alors qu’il s’apprêtait à regagner la France.

La duchesse à Rambouillet

Pionnière du féminisme, passionnée d'automobile et de chasse, lieutenant de louveterie, amie de Louise Michel, adhérente de la première heure à la SPA dont elle est éjectée à cause de son amour pour la chasse à courre, présidente de l'Union des Femmes Peintres et Sculpteurs, présidente des Formations Chirurgicales Franco-russes, présidente de l'Oeuvre des Bons Enfants, Officier de la Légion d'Honneur, la duchesse d'Uzès meurt au château de Dampierre à l'âge de 86 ans.

Rédigé par Jacky SERODY

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