La catastrophe de la mine de Lalle à Bessèges

Publié le 23 Décembre 2018

La catastrophe de la mine de Lalle à Bessèges

Lalle est un hameau de la ville de Bessèges, en bordure gauche de la Cèze. En 1861 la mine de Lalle produit 45 000 tonnes de charbon par an et emploie 145 ouvriers de fond. Le 11 octobre un violent orage éclate. La Cèze démesurément grossie, sort de son lit. Les eaux s’accumulent entre Lalle et Bessèges. Des fissures s’ouvrent, et à 15h30, par une brèche de 4 m² et à la cadence de 130 000 m³/h, les eaux se précipitent dans la mine qui est envahie en quelques minutes.

Sur les 139 mineurs présents dans la mine ce jour-là, 110 sont pris au piège. Seuls cinq d’entre eux qui ont pu se réfugier dans un puits d’aération seront récupérés vivants plusieurs jours après. Avec 106 victimes âgées de 11 à 71 ans, la catastrophe de Lalle reste la plus grave du bassin houiller des Cévennes.

Le site de Lalle est particulièrement exposé aux débordements de la Cèze et les nombreuses crues de la rivière sont parfaitement connues de la population ainsi que des autorités, et sont pour la plupart relatées dans les registres officiels. Ces risques ont de plus été augmentés par l’extension de l’exploitation de la mine. Quelques années avant le drame l’Ingénieur des Mines Parran notait le caractère incomplet des plans et de l’historique de l’exploitation. Dans son rapport sur la catastrophe l’inspecteur général des mines Henri Fournel indique que « la cause de l’accident est toute entière dans l’ignorance des vieux travaux, voisins de la surface... ».

Les survivants de la catastrophe

Les autorités de l’époque veillent à donner une version officielle destinée avant tout à prévenir toute velléité de révolte de la population. Dès le lendemain le Préfet du Gard arrive sur place par train spécial accompagné d’une centaine de militaires. Le discours officiel, relayé par une presse aux ordres, on est sous le Second Empire, tient en deux points : l’accident était imprévisible, et tout a été fait pour sauver les mineurs. Les hauts fonctionnaires, les élus, la presse font en sorte que les opérations de secours apparaissent comme le fait marquant de la catastrophe. On oublie les victimes, on loue le courage des ingénieurs, le dévouement des mineurs et de la population, l’aide immédiate de l’État, les actes d’héroïsme réels ou inventés. On invoque la fatalité, les forces de la nature, les orages cévenols.

« Au moment où se répandit le bruit de cet immense désastre, tout le monde chercha à porter secours. Les ingénieurs des mines voisines arrivèrent en toute hâte, amenant leurs meilleurs ouvriers et se dévouant eux-mêmes à tous les travaux, l'ingénieur des mines d'Alais, le sous-préfet, le préfet, l'évêque, et plus tard l'inspecteur général des mines, arrivant tout exprès de Paris, toutes les autorités du pays, puis les directeurs de la Compagnie propriétaire des mines de Lalle, tout le monde se réunit sur le lieu de ce sinistre épouvantable, pour apporter des secours ou des consolations. Aucun sacrifice ne sera épargné, rien ne paraît impossible si on a l'espoir de sauver une seule de ces malheureuses victimes ». (Extrait de « l’Ouvrier » du 15 février 1862)

Stèle commémorative de Bessèges

Le préfet avouera qu’ « il faut que le souvenir du désastre ne puisse pas être séparé de celui des vertus déployées pour le combattre ». On veille ainsi à exonérer par avance toute responsabilité des exploitants. Absence de responsabilité dans la mort de 106 personnes confirmée un peu plus tard par les tribunaux.

L’inondation des mines de Lalle inspirera Hector Malot pour son roman « Sans famille » avec le personnage de Rémi, jeune homme rescapé de la mine inondée.

* Vous trouverez un compte-rendu beaucoup plus complet et beaucoup plus documenté de cette catastrophe dans l'ouvrage de Bernard Collonges:

"Mourir pour les houillères"

Editions La Fenestrelle

2017

Rédigé par Jacky SERODY

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