La maurelle de Gallargues

Publié le 10 Décembre 2018

La maurelle, qu’es aco ?

C’est une plante tinctoriale de la famille des euphorbes qui pousse à l’état naturel sur tout le pourtour méditerranéen. Elle se développe entre juillet et septembre sur des terrains sablonneux et pauvres. Elle a pour particularité d’avoir des graines qui arrivent à maturité tout au long de la vie de la plante, ce qui rend sa culture délicate.

Et on a cultivé la maurelle à Gallargues ?

Mais oui, et c’est probablement le seul endroit en France. On savait déjà au Moyen-âge extraire le suc de la maurelle (qu’on appelle aussi tournesol) pour en imprégner de petites rondelles de tissus qu’on laissait ensuite sécher. En imprégnant de nombreuses fois ces rondelles, en les traitant éventuellement avec un acide pour lui donner une couleur rouge violacé, on fabriquait de véritables comprimés de colorants qui pouvaient être conservés pour une utilisation ultérieure. C’était les « foliums » que les peintres employaient pour les enluminures des manuscrits. Après l’invention de l’imprimerie cette technique va disparaître.

La maurelle

Du XVIème eu XIXème siècle, les gallarguois vont utiliser la maurelle pour confectionner des « drapeaux », rectangles de tissu de coton d’un mètre de côté colorés en bleu par le jus de la plante. La récolte de la maurelle se faisait entre les moissons et les vendanges et la plante était traitée sur place. On la broyait puis on la pressait dans un moulin à olives pour en extraire le suc. Les drapeaux étaient trempés dans le colorant et mis à sécher. Le trempage était renouvelé plusieurs fois en ajoutant au suc un peu d’ammoniaque (de l’urine en fait) pour renforcer la couleur. Pour des raisons mal connues, peut-être sanitaires, l’urine sera rapidement remplacée par le fumier, mais sans contact direct. Placés au-dessus du tas de déjections animales, les tissus étaient imprégnés par les vapeurs d’ammoniaque.

Une fois secs, les drapeaux étaient regroupés en ballots, amenés à des grossistes de Montpellier qui par le port de Sète les expédiaient en Hollande.

Le "tête-de-maure"

En effet les fromagers hollandais emballaient leurs meules d’Edam dans les drapeaux, ce qui permettait à la croûte du fromage de prendre une teinte rouge-violet, provoquée par les émanations acides du fromage sur le suc de maurelle, alors que la pâte restait blanche. D’où le nom de « tête de maure » pour ce fromage.

Et comme rien ne se perd, les fromagers récupèrent le suc restant dans les drapeaux, le mélangent avec du plâtre ou de la craie, et nous renvoient des « pains de tournesol ». Ces pains sont vendus en Allemagne ou en Angleterre pour colorer gelées, liqueurs ou conserves. Ils peuvent aussi rester chez nous pour augmenter la couleur du vin.

Gallargues a toujours affirmé être la seule à maîtriser les secrets de fabrication des drapeaux, mais il n’y a en réalité aucun secret dans cette technique. L’exploitation de la maurelle et la production de drapeaux a cessé vers 1870. A la fois parce qu’une collecte incontrôlée a presque fait disparaître la maurelle, également par le développement de la culture de la vigne, et surtout par l’arrivée d’un colorant chimique, la mauvéine.

Est-ce que Gallargues s’est enrichie avec la maurelle ?

Probablement pas.

Curieusement la plante qui avait totalement disparu du paysage gallarguois a fait une réapparition en 2007 et ne cesse depuis de se répandre.

L’économie de la maurelle à Gallargues a fait l’objet de chapitres importants dans plusieurs livres à l’époque de sa culture, par exemple « les plantes industrielles » de Gustave Heuzé en 1859, ou « le savant du foyer » de Louis Figuier en 1867. L’Encyclopédie Méthodique de Diderot lui consacre aussi un article bien documenté intitulé « l’art de la culture et de l’apprêt du tournesol ».

Rédigé par Jacky SERODY

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